Oumar et Kirem, deux frères tchétchènes réfugiés aux
Pays-Bas. Deux trajectoires, deux espoirs. L’un n’aspire qu’à vivre libre dans
un pays en paix. L’autre ne peut se résoudre à oublier ses origines, sa
culture, son pays. Comment s’intégrer sans se renier ? Quelle part de son
passé laisser derrière soi ?
Oumar et Kirem sont abîmés par la violence : celle de
leur famille et celle de la guerre (p.15) : « Ici pas besoin de bondir, sauter, courir jusqu’à plus pouvoir
respirer. Y a rien à fuir les gens sont tranquilles les avions passent sans
bruit la terre tremble mais c’est juste un tramway ».
Aux Pays-Bas, ils apprennent le russe, langue de l’ennemi,
enseignée par Alissa, une autre Tchétchène qui a choisi de mentir sur son
identité. La question de l’identité est centrale dans ce livre. Oumar se rêve
en Adam, un homme libre qui assume ses désirs. Alissa est devenue Alice et sort
avec un néerlandais (p.110) : « C’était
le troisième homme seulement dont elle touchait les lèvres, et le premier qui n’était
pas russe. Elle en avait éprouvé un sentiment de victoire, mêlée de crainte. D’un
coup, elle s’était sentie entièrement néerlandaise. »
Il semble qu’en exil, tout doive être pensé en termes d’intégration :
les vêtements, la coiffure, les gestes, les paroles, les désirs… Se couler dans
la masse, ne pas se faire remarquer, ne pas attirer les regards.
Anaïs Llobet est une écrivaine de l’âme, de ses tourments,
de ses questionnements. Les vies intérieures, le déchirement entre deux
cultures, entre la liberté et la famille, entre l’amour et l’identité, tout
cela est admirablement mis en mots.
Et comme s’il ne pouvait en être autrement, la guerre s’invite
en paix. La liberté tant désirée devient un danger, face à l’innommable, à l’incompréhensible,
le silence prévaut. (P. 198) : « Il
sait que les hommes se taisent quand les mots valent moins que le silence ».
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