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Suzanne avait 17 ans lorsque la Seconde Guerre Mondiale a
éclaté. Même avec les privations, le rationnement, elle a toujours gardé une
certaine tenue, une élégance polie. Aujourd’hui, Suzanne a 98 ans. Elle vit en
EHPAD. Sa personnalité est effacée, ses goûts sont niés, sa dignité malmenée.
Essentiellement par manque de moyens, de temps, de personnel, sans doute aussi
de volonté.
Une personne âgée est une personne. Une vieille dame a été
une jeune fille, une femme, une mère. Elle a connu ces étés où les robes
tourbillonnent, elle a ri, elle a pleuré, elle a aimé, elle a été déchirée par
les chagrins. Elle a vécu.
Elle est une personne. On a parfois tendance à l’oublier.
Frédéric Pommier nous le rappelle de la plus belle des manières. Pas de cris
outrés, pas de colère débordante, pas de jugement. A la place, il nous donne
des faits : le volet cassé qui plonge la chambre de Suzanne dans le noir,
la nourriture insipide, le fromage distribué à même la main, les réflexions
déplacées, les gestes trop rapides, trop brusques… Sa colère de petit-fils est
rentrée. Il préfère nous offrir les souvenirs, la jeunesse, la vitalité
flamboyante de sa grand-mère.
Suzanne n’est pas la mamie affaiblie qui attend qu’on
veuille bien lui réparer son volet. Suzanne est cette dame libre qui déjeune en
terrasse dans le vent glacial, cette jeune femme déchirée entre sa mère et son
père, cette épouse qui attend son mari sous les bombes.
Avec bienveillance et lucidité, Frédéric Pommier observe le
sort que nous réservons à nos aînés. Il en va autant de notre dignité que de la
leur.
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