couverture : Meltin Demiralay |
Patria veut dire pays, terre natale. Mais ce livre est
l’histoire d’une amitié morte. D’un côté, Bittori, son fils Xabier et sa fille
Néréa. De l’autre, Miren, son mari Joxian, sa fille Arantxa, ses fils Joxe
Mari, combattant de l’Eta emprisonné et Gorka. Au milieu : Le Txato. Le
mari de Bittori exécuté par l’ETA. Il refusait de payer plus d’impôt
révolutionnaire. Dans un village de la campagne espagnole, être désigné comme
une cible par l’ETA, c’est une condamnation à mort et une condamnation à la
solitude et à l’exil pour le reste de la famille. Etre vu en compagnie d’une
cible de l’ETA est tout aussi dangereux. Alors les commerçants refusent de
servir Bittori, les regards se détournent et c’est l’heure où les amitiés se
prouvent ou meurent. Isolée, Bittori quitte le village.
Fernando Aramburu débute l’histoire à la fin de la lutte
armée, lorsque l’ETA dépose les armes, renonce à la violence et révèle ses
caches d’armes. Vingt ans ont passé depuis la mort du Txato. Dans une
chronologie aléatoire, avec l’assassinat pour seul repère de temps et une
narration qui passe de la première à la troisième personne, Fernando Aramburu
retranscrit toute la confusion d’un pays déchiré : qui pense quoi ?
Qui dit quoi ? Qui vit quoi ?
Se côtoient les loyaux de loin, les traîtres de peur, ceux
qui refusent de choisir un camp. Il y a la fidélité du fils Xabier, qui refuse
le bonheur depuis la mort de son père. Il y a l’appétit de vie de la fille Néréa,
qui délaisse sa famille pour se libérer du village. (P.133) : « Elle, sa mère, son frère, tous les
trois étaient devenus les satellites d’un homme assassiné. Qu’ils le veuillent
ou non, leurs vies tournaient depuis de longues années autour de ce crime ».
Comme dans toute guerre, les exactions se commettent dans
les deux camps : attentats contre tortures, humiliation contre rébellion.
Gorka refuse la violence, mais il résiste à sa façon, en écrivant en Euskera,
la langue Basque, cette identité que le gouvernement espagnol cherche à
éteindre.
Une cause mérite-t-elle que l’on tue pour elle ?
Qu’a-t-on à gagner à tuer ? Du fond de sa cellule, Joxe Mari a tout le
temps de se poser ces questions, et d’autres encore. Quand on dépose les armes,
qui gagne, qui perd ? Et surtout qui gagne quoi ? (p.593) : « Il avait fait du mal et avait tué.
Pourquoi ? La réponse le remplissait d’amertume : pour rien. Après
tant de sang, ni socialisme, ni indépendance, que dalle ! ».
L’ETA dépose les armes et le gouvernement espagnol exige aussi qu’elle demande
pardon, comme Bittori l’exige de Joxe Mari. (P.605) : « Voyons, pourquoi devons-nous demander pardon ? Et les
crimes des GAL, alors ? Quelqu’un a-t-il demandé pardon pour ça ? Ou
pour les tortures dans les casernes et les commissariats ? Pour la
dispersion et pour toutes les agressions du Peuple Basque ? ».
Fernando Aramburu aurait pu écrire un roman de l’Espagne
entière. Il aurait pu montrer la difficulté à vivre dans un pays déchiré par la
violence tout en rendant sa place au peuple Basque. Il aurait pu démontrer la
violence aveugle des attentats en lui opposant la violence d’Etat contre
l’identité Basque. Dommage qu’il prenne parti.
Il fallait qu’un camp ait le courage de faire le premier
pas. Celui qui dépose les armes, permet à tous de gagner la paix.
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