Couverture : Paprika |
Ce nouveau livre de Sophie Divry tient du conte ou de la
fable. Nous avons tous rêvé un jour ou l’autre de nous retrouver seul, plus une
âme à l’horizon. Prendre congés de nos congénères. Joseph va être confronté à
ce rêve cauchemardesque. C’est un jeune homme révolté, en colère. Il se fait
arrêter lors d’un braquage où il a suivi son frère. Parce qu’on n’abandonne pas
son frère quand il vous appelle. L’univers carcéral humiliant, violent,
déshumanisant fait croître la rage de Joseph. (p.60) : « Ce n’est plus une haine étroite et
médiocre, celle des premières humiliations, non, c’est une haine comme une
drogue dure. Elle fait jaillir dans le cerveau des consolations fantastiques.
Elle caresse l’ego. Elle transforme l’humiliation en désir de cruauté et
l’orgueil en mépris des autres ». La prison finit de le convaincre que
l’Homme n’est pas fréquentable. A la faveur d’une catastrophe nucléaire, Joseph
s’évade. Il survit mystérieusement aux radiations et se retrouve seul dans la
zone évacuée. Comme un Robinson du XXIème siècle, il va se reconstruire un monde
dans une ferme abandonnée. Il va apprendre le rythme de la nature, se
réapproprier son corps, meurtri par la prison. Joseph retrouve son âme saccagée
par la haine et le désir de vengeance. Et puis vient le manque. Un chat et un
mouton sont ses seuls compagnons. Une vieille cassette de musique est la seule
voix humaine autre que la sienne. (p.153) : « Il n’y a pas d’autre regard que le sien ». (P.202) :
« Joseph est l’espèce humaine tout entière ». Sa liberté absolue
devient sa prison. Son royaume devient cellule. Sophie Divry choisit ses mots
avec soin. Elle livre un subtil travail d’écriture pour que la narration passe
lentement de la première à la troisième personne. Joseph s’exclut du monde et
parle de « vos » maisons, « votre » monde. Puis, doucement,
se prend à rêver de nouveau d’un « nous ». (p.233) : « Que ce monde lointain, que ce monde
décevant, que ce monde plein d’enfants fragiles et d’êtres humains formidables,
que ce monde lui manque… ». Oui. Nous avons tous rêvé un jour où
l’autre de nous retirer du monde, de nous libérer des hommes. Consolons-nous,
ce ne serait pas vivable.
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