jeudi 7 juin 2018

Le livre que je ne voulais pas écrire d’Erwan Larher.

Couverture : Hugues Vollant
Comme la pipe de Magritte, ceci n’est pas un roman. Ce pourrait être un « objet littéraire ». C’est en réalité une déclaration d’amour. Multiple. D’amour de la vie, d’amour des autres de la part de l’auteur. Une déclaration d’amour tout court, d’amour fraternel, d’amour paternel, d’amour amical, d’amour lointain de la part des quelques personnes appelées à témoigner. Erwan Larher était au Bataclan le 13 novembre 2015. Ses amis l’ont convaincu d’écrire sur. Il les a convaincus d’écrire aussi. Et ce chassé-croisé, si joliment entrelacé, d’un « tu » qui veut dire « je » et de tous ces « je » qui veulent dire « nous », donne cet ouvrage empli de vie et empreint de gravité. Erwan Larher montre une lucidité surprenante, se rapproche au plus près des assaillants, avec une humanité à fleur de peau pour tenter de vivre aussi, le 13 novembre de leur point de vue. (P.69) : « Tu n’es rien. Alors tu tires. Pour devenir ». Dépasser la douleur, la peur, l’effroi d’être passé si près de la mort. Non pas dépasser, mais mettre de côté, en haut ou en bas, mais se décaler suffisamment pour faire de cette violence aveugle, absurde, inouïe, de la littérature. Pas du bavardage. Erwan Larher devait être un homme sacrément pétri d’humanité avant le 13 novembre 2015, pour pouvoir écrire après (P.226) : « Tu persistes à penser que les gens heureux ne tuent personne ».
Et que dire des témoignages extérieurs, les Vu du Dehors, emplis de pudeur, de retenue, de colère, d’angoisse. De l’amour, toujours. (P.91) : « Ça creuse une proximité, de penser si fort à quelqu’un, de lui parler à distance, de prier sans foi, de croire comme une môme à s’en fendre les paupières… Ca fore un nid dans le cœur ». (P.92) : « cette nuit-là, tu es devenu un proche, je suis restée une lointaine ».  
En acceptant d’écrire ce livre, et de cette manière, Erwan Larher nous a invité dans sa tragédie. Nous qui n’étions pas au Bataclan, ni aux terrasses de Paris. Nous qui avons quand même été saisis d’effroi sans trop savoir si nous avions le droit d’être en deuil, sans mort à nous.

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