La Grèce, fin des années 30. Nikos a 7 ans quand il
rencontre Gioconda pour la première fois. La fillette a 5 ou 6 ans et vit dans
la maison d’à côté, à Thessalonique. Entourés de leurs cousins et de leurs amis,
Nikos et Gioconda vont grandir ensemble dans les herbes folles du terrain
vague. Une insouciance de courte durée. En 1940, la Grèce est occupée par les
fascistes italiens, suivis en 1941, par les nazis allemands.
L’adolescence est une période où les émotions sont
décuplées. La guerre accentue encore cette fougue. Le cœur bat plus vite, il
aime plus fort. C’est l’heure des frôlements, du rose aux joues et du premier
baiser. C'est l'heure de la première étreinte, de la découverte du corps. Et comme tous les amoureux, Nikos et Gioconda pensent tenir la guerre à
distance. (P.47) : « Chaque
jour nous étions plus forts que la guerre. Car quand la guerre n’existe pas aux
yeux d’un homme, elle est déjà vaincue ». Mais on le sait bien, la
guerre n’a que faire des amoureux.
A 15 ans, Nikos s’engage dans la Résistance. Il ne sera pas
englouti par la guerre mais il ressentira cette intensité de vivre exacerbée
par le danger. (P.43) : « L’heure
la plus calme, pendant toute cette guerre, fut plus forte et bouleversante que
le moment le plus intense en période de paix ». La guerre c’est aussi
les privations, les files d’attente, la famine, la persécution. Comme ces
hommes juifs, rassemblés, agenouillés de force sur la Place de la Liberté,
durant six heures. Pour rien. Pour l’humiliation.
Mais Nikos a Gioconda et Gioconda a Nikos. Cet amour
immense, parce que le premier, parce né pendant la guerre et malgré la guerre.
Cet amour comme une bénédiction pour ceux qui ont la chance de le vivre, sera
aussi la malédiction de Nikos. Comment vivre après ? Quand la vie vous a
tout donné, puis tout repris, avant vos vingt ans.
Gioconda est morte à 17 ans, à Auschwitz. Elle a été gazée
et incinérée, comme des millions de juifs. Et comme pour des millions, il ne
reste plus rien d’elle. Pas de corps, pas de tombe, pas de plaque avec son nom
ou son visage. Rien. Même pas la poussière. Nikos Kokantzis a écrit ce livre
pour garder Gioconda vivante. (P.77) : « Je crains parfois qu’arrive un jour où je commencerai d’oublier
les détails. Cette idée me terrifie. Je veux garder en mémoire à jamais tout ce
qui s’est passé entre nous, l’instant le plus infime ».
Ce livre n’est pas le tombeau de Gioconda. Il est la trace
indélébile de sa vie. La preuve qu’elle fût et qu’elle aimât. Aucun bourreau ne
pourra l’effacer. Et nous sommes désormais les héritiers de Gioconda, de Nikos
et de leur amour.
Le Mal a perdu.
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