jeudi 3 mai 2018

Gioconda de Nikos Kokantzis



La Grèce, fin des années 30. Nikos a 7 ans quand il rencontre Gioconda pour la première fois. La fillette a 5 ou 6 ans et vit dans la maison d’à côté, à Thessalonique. Entourés de leurs cousins et de leurs amis, Nikos et Gioconda vont grandir ensemble dans les herbes folles du terrain vague. Une insouciance de courte durée. En 1940, la Grèce est occupée par les fascistes italiens, suivis en 1941, par les nazis allemands.
L’adolescence est une période où les émotions sont décuplées. La guerre accentue encore cette fougue. Le cœur bat plus vite, il aime plus fort. C’est l’heure des frôlements, du rose aux joues et du premier baiser. C'est l'heure de la première étreinte, de la découverte du corps. Et comme tous les amoureux, Nikos et Gioconda pensent tenir la guerre à distance. (P.47) : « Chaque jour nous étions plus forts que la guerre. Car quand la guerre n’existe pas aux yeux d’un homme, elle est déjà vaincue ». Mais on le sait bien, la guerre n’a que faire des amoureux.
A 15 ans, Nikos s’engage dans la Résistance. Il ne sera pas englouti par la guerre mais il ressentira cette intensité de vivre exacerbée par le danger. (P.43) : « L’heure la plus calme, pendant toute cette guerre, fut plus forte et bouleversante que le moment le plus intense en période de paix ». La guerre c’est aussi les privations, les files d’attente, la famine, la persécution. Comme ces hommes juifs, rassemblés, agenouillés de force sur la Place de la Liberté, durant six heures. Pour rien. Pour l’humiliation.
Mais Nikos a Gioconda et Gioconda a Nikos. Cet amour immense, parce que le premier, parce né pendant la guerre et malgré la guerre. Cet amour comme une bénédiction pour ceux qui ont la chance de le vivre, sera aussi la malédiction de Nikos. Comment vivre après ? Quand la vie vous a tout donné, puis tout repris, avant vos vingt ans.
Gioconda est morte à 17 ans, à Auschwitz. Elle a été gazée et incinérée, comme des millions de juifs. Et comme pour des millions, il ne reste plus rien d’elle. Pas de corps, pas de tombe, pas de plaque avec son nom ou son visage. Rien. Même pas la poussière. Nikos Kokantzis a écrit ce livre pour garder Gioconda vivante. (P.77) : « Je crains parfois qu’arrive un jour où je commencerai d’oublier les détails. Cette idée me terrifie. Je veux garder en mémoire à jamais tout ce qui s’est passé entre nous, l’instant le plus infime ».
Ce livre n’est pas le tombeau de Gioconda. Il est la trace indélébile de sa vie. La preuve qu’elle fût et qu’elle aimât. Aucun bourreau ne pourra l’effacer. Et nous sommes désormais les héritiers de Gioconda, de Nikos et de leur amour.
Le Mal a perdu.

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