Couverture : Frans Masereel |
Dès la première phrase, on retrouve la plume de Pierre
Lemaitre. Cet humour, parfois noir, teinté d’ironie. (P.11) : « Si
les obsèques de Marcel Péricourt furent perturbées et s’achevèrent même de
façon franchement chaotique, du moins commencèrent-elles à l’heure ».
Après la Grande Guerre et la détresse des Gueules Cassées, Pierre Lemaitre
poursuit sa fresque du XXème siècle : Nous suivons Madeleine Péricourt,
fille de Marcel et sœur d’Edouard, à travers les années 20 et 30 : la crise de 29, la
montée de l’antisémitisme. A cette époque, les femmes n’ont pas le droit de
détenir un compte en banque sans l’autorisation de leur mari. Madeleine, mère
et divorcée, se retrouve à la tête de la banque familiale. Difficile de diriger
un empire, lorsque votre éducation en tant que femme, est allégée de tout ce
qui peut toucher aux affaires, aux finances, aux responsabilités. Et si vous
rajoutez à cela la détresse d’un petit garçon de 7 ans, qui ne trouve qu’une
fenêtre pour issue… Madeleine lutte, Madeleine perd, mais elle n’abandonne pas.
Et c’est bien à une naissance que nous assistons. Celle d’une femme libre,
forte. Brutale aussi. Aux côtés de Madeleine gravite un monde
hétéroclite : un banquier rancunier, un journaliste arriviste, un patron
de presse radin, un député aux poches percées, une bonne à vraiment tout faire,
quelques malfrats avec plus ou moins d’envergure, une diva pleine de panache et
une nurse polonaise très accueillante. Tout ce petit monde évolue dans une société corrompue et misogyne. L’écriture précise de Pierre Lemaitre
crée des personnages nuancés. Pas de noir et blanc, mais un subtil dégradé de
gris. Tous évoluent, changent, grandissent. Tantôt méprisables, tantôt
touchants. Rien n’est jamais figé. La douleur et le chagrin peuvent mener à la
rancœur, à la vengeance ou à la lumière. C’est selon.
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