lundi 11 décembre 2017

Souvenirs dormants de Patrick Modiano

Il est des souvenirs que l’on chérit. D’autres qui nous pèsent. Et puis, il y a les souvenirs dormants dans le brouillard de nos mémoires. Des personnes, des conversations, des rencontres éphémères, qui, sans crier gare, ressurgissent au détour d’une rue, dans le titre d’un livre ou l’ombre d’un regard. Patrick Modiano s’efforce livre après livre, de retrouver ces personnes qui ont un jour traversé sa vie, coupé sa trajectoire. Dans ce nouveau livre, il part à la recherche de quatre femmes, qu’il a rencontrées dans les années 1960. Il a le souci des dates, des noms, des lieux. Se souvenir, coûte que coûte, même si ce n’est que de bribes, même si c’est imprécis. Convoquer le moindre détail pour reconstituer les faits, ramener ces femmes à la lumière. Patrick Modiano est le gardien des traces éphémères, des adresses, des noms, des voix. (p.42) : « Il m’arrivait souvent de capter des bribes de conversations d’inconnus dans les cafés. Je les notais le plus discrètement possible. Au moins, ces paroles n’étaient pas perdues pour toujours ». Des traces comme des preuves de vie, la vie des autres dans la sienne. En répertoriant les passages les plus infimes, les plus éphémères des personnes qu’il a croisées dans sa vie, Patrick Modiano tente aussi de reconstituer sa propre existence, comme s’il craignait, plus que tout, d’avoir rêvé tout cela. Et qui sait ? (p.80) : « Aucun d’eux ne m’a donné de ses nouvelles, ces cinquante dernières années. Je devais être invisible pour eux à cette époque. Ou bien, tout simplement, vivons-nous à la merci de certains silences ». On ressent beaucoup d’inquiétude dans l’écriture de Patrick Modiano : un tourment, une sensibilité à la mémoire des lieux ou au danger qui émane de certaines personnes, et qui le poussent à fuir. Il a aussi ce souci de vivre les rencontres au mieux, et le regret éternel des maladresses, des timidités, des silences qui ternissent les relations et parfois les avortent. (p.56) : « Si l’on pouvait revivre aux mêmes heures, aux mêmes endroits et dans les mêmes circonstances ce qu’on avait déjà vécu, mais le vivre beaucoup mieux que la première fois sans les erreurs, les accrocs et les temps morts ». Toutes ces petites choses que l’on ressasse et qui nous gâchent les souvenirs.



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