dimanche 19 novembre 2017

Flic de Michel Neyret

couverture : Bruno Klein
Michel Neyret attire les superlatifs : « super-flic », « star de l’anti-gang »… Depuis quelques années, les adjectifs ont glissé vers le côté sombre « corrompu », « ripoux », « flic-voyou »… Michel Neyret, chef de la BRI pendant 21 ans, numéro deux de la Police Judiciaire de Lyon, a été condamné, le 5 juillet 2016, à deux ans et demi de prison ferme pour corruption, trafic d’influence, violation du secret professionnel, recel de vol, trafic de stupéfiant, détournement de scellés, détournement de biens et association de malfaiteurs. En clair, on lui reproche d’avoir fourni des renseignements à des malfaiteurs en échange d’informations, d’avoir pioché dans des saisies de drogue pour rémunérer des indics, d’avoir profité des largesses de certains voyous (voyages, montre de luxe…) et d’avoir aussi préparé sa retraite en ouvrant un compte en Suisse (resté vide, précisons-le). L’homme qui a repris les évadés de Luynes, qui a fait tomber les ripoux de Lyon, des braqueurs de banques et démantelé des réseaux de trafics de drogue, a voulu dire sa vérité. Il veut briser son image de flic Bling-Bling, amateur de grosses cylindrées et de soirées branchées. Michel Neyret est fils de mineur en Lorraine. Une enfance sage, sérieuse. Ennuyeuse ? Le jeune Neyret a soif d’adrénaline, d’action. Il veut vivre vite et fort. Il sera commissaire de police. Il parle chasse, traque, gibier. Et il nous retrace par le menu sa carrière flamboyante, les flagrants délits, les arrestations. Il nous explique aussi sa vision du métier : côtoyer les voyous pour les connaitre, les comprendre et les arrêter. Engranger les informations pour les prendre (P. 64) « le flingue dans une main, le butin dans l’autre ». Aucun doute ne doit subsister à l’issue de l’enquête. Son objectif est de mettre les malfrats à l’ombre pour le plus longtemps possible. Il n’est pas tendre avec le voyou qui (P.67) : « a fait de la délinquance son choix de vie délibéré, réfléchi ». Le 29 septembre 2011, Michel Neyret est arrêté chez lui, au petit matin. Garde à vue, interrogatoire, détention provisoire, contrôle judiciaire, condamnation. Le flic est traité comme un de ces délinquants qu’il a chassés pendant 30 ans. Il est tombé à cause de ses liens trop étroits avec Gilles Bénichou. Un malfrat affable qui l’a accueilli dans sa famille, l’a invité en vacances, lui faisant franchir la frontière ténue entre connaissance et amitié. Michel Neyret consent erreurs, maladresses, écarts. Il réfute l’enrichissement personnel. Dans son livre Flic, il y a tout ce qu’il accepte, d’entrée de jeu, de livrer, pour se présenter et s’expliquer : son enfance, sa famille, son ambition, sa passion. Il survole l’aspect politique de l’affaire : les rivalités entre les services, la hiérarchie qui tolère ses écarts pendant des décennies et puis qui le lâche, quand les résultats seuls ne suffisent plus. Enfin, il y a ce qui lui échappe. Ou ce qu’il nous donne, comme par inadvertance. Cette fragilité que l’on devine lorsqu’il effleure ses deuils et qui éclate à la toute fin du livre. Quand le jour filtre à travers les failles. Et cette question qui taraude, la seule qui semble vraiment faire mal (P.232) « Cette amitié était-elle vraie ou fausse ? ».


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