lundi 10 avril 2017

Oh… de Philippe Djian

couverture : Guy Ferrandis
SBS Productions
J’ai un petit faible pour Philippe Djian. Il fait partie de ces écrivains à qui je suis prête à pardonner quelques errances dans l’histoire, parce que l’enjeu des livres de Djian est ailleurs. Il est dans la langue, le rythme, la liberté vis-à-vis des règles même de l’écriture. Djian lui-même le dit : l’histoire ne l’intéresse pas. Il ne raconte pas d’histoire. Il raconte les hommes et les femmes. Les errements de l’âme et du corps. Les contradictions. Les basculements. Les dédoublements. Et de tout cela, il est question dans Oh…. Une femme coincée entre son grand fils, son ex-mari, sa mère, sa belle-fille. Une femme emplie d’hésitations, de cas de conscience, de doutes, et pourtant une femme que l’on devine solide, qui a surmonté un drame familial dans son enfance, un divorce et qui dirige son entreprise. Une femme qui, un soir, chez elle, se fait violer par un inconnu. Le grain de sable dans la machine. Le point de basculement. Le déraillement. Car bien sûr, évidemment, cette violence, chez elle, dans sa chair, la blesse et la révolte, mais…. Et avec ce « mais », Philippe Djian nous emmène dans les méandres de son esprit. Comme si cette violence imposée lui avait révélée sa propre violence intérieure. (P.175) : « Le démon habite-t-il un corps 24h sur 24 ou ne l’investit-il que par instant ? ». Cette agression lui révèle aussi une part d’ombre qu’elle ne soupçonnait pas. (p.238) : « Au fond, je ne pensais pas être une personne si étrange, si compliquée, à la fois si forte et si faible. C’est surprenant. L’expérience de la solitude, du temps qui passe est surprenante. L’expérience de soi ». Oh… explore la relation de pouvoir que l'on a aux autres, dans l’entreprise, dans le couple, dans la sexualité. (P.196) : « C’est un corps d’homme, une force d’homme contre lesquels je n’ai guère de chance de l’emporter, mais le piquant de l’histoire, ce qui me ferait sourire si je n’étais pas occupée à me débattre comme une enragée tandis qu’il cherche à introduire son sexe en moi, c’est qu’il est en mon pouvoir de mettre fin à son assaut dans la seconde, c’est qu’il m’appartient à moi, pauvre femme, de renvoyer ou non cet imbécile à sa niche ». Pas de bien ni de mal dans Oh…, pas de jugement moral, mais une observation quasi-scientifique des êtres humains, de vous, de moi, qui nous débattons avec nos contradictions, nos addictions, nos peurs, nos doutes, nos certitudes. Philippe Djian atteint son but. Il fissure le miroir et nous le donne à traverser. On sort du livre plus étonné, plus décontenancé, moins fermé que lorsqu’on y est entré.


1 commentaire:

  1. j'avoue que j'aime bien les écrits de Philippe Djian . J'aime le fait qu'il s'attarde beaucoup sur la description corporelle de ses personnages. Au fait : Bon anniversaire Céline !

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