lundi 27 mars 2017

Ecoutez nos défaites de Laurent Gaudé

Couv. : David et Myrtille / 
Arcangel Images
Assem Graïeb est un militaire des renseignements français. Il est chargé de retrouver un tireur d’élite américain, devenu mercenaire. Graïeb est lassé de la guerre. Il s’interroge sur ce qui importe vraiment, sur les choix qu’il a fait. Il a trop de lucidité pour se retrancher derrière les ordres qu’il a reçus. Sa conscience le bouscule. Ecoutez nos défaites est une réflexion sur ce qui reste d’humain dans la guerre. Ce que les hommes deviennent lorsqu’ils tuent d’autres hommes. Pour nourrir sa réflexion, Laurent Gaudé nous entraine dans les pas de grands guerriers : L’éthiopien Hailé Salassié, un homme qui se lève face à l’envahisseur fasciste. Il deviendra le premier empereur d’Ethiopie mais cèdera à la tentation du pouvoir. Hannibal, un homme seul capable de précipiter des milliers d’hommes dans la guerre pour marcher sur Rome. Ou encore le colonel Ulysses Grant, qui se battra pour le Nord lors de la Guerre de Sécession aux Etats-Unis et deviendra président. Que deviennent les causes justes, la soif de liberté, le combat pour les droits de tous, face à la violence, à la peur et au sang. Que reste-t-il de l’humanité dans la guerre ? (p.70, Grant) : « Car les hommes sont des pions. Il n’y a pas d’autre façon de voir. Ou alors il ne faut pas être général. Il n’y a pas de fermiers, de gentils pères de famille (…) Sinon comment pourrait-on décider que tel bataillon monte au front et pas tel autre ? Comment pourrait-on ordonner à un groupe d’aller mener une mission de diversion quand on sait qu’il y a une forte chance qu’ils n’en reviennent pas ? (…) Les hommes ne comptent plus, il faut accepter de penser ainsi et que le faire vous sort de l’humanité ». Grant encore, (p.81) : « Tant d’hommes sont morts aujourd’hui. Mais il refuse qu’on dise qu’il a perdu à Shiloh. C’est une victoire. C’est à cela que ressemblent les victoires : les blessés claudiquent et les mourants gémissent, comme dans une défaite ». Grant toujours (P.142), après le massacre de Bloody Angle qui fit 20.000 morts en 18h00 : « Comment peut-on voir cela et ne pas en mourir ? ». Dans Ecoutez nos défaites, Laurent Gaudé pose la question de la culture et l’art face à la guerre. Assem Graïeb a perdu ses mots dans la guerre. Il essaie de se rappeler ceux du poète Darwich, pour retrouver sa part d’humanité. Est-ce la guerre qui tue les mots ou y a-t-il la guerre parce qu’on laisse partir les mots ? Nous suivons aussi Mariam. Elle est chargée de sauver les œuvres d’art dans les musées éventrés par les obus et pillés par les combattants. Sauver la part d’humanité du monde. Préserver la beauté face à la cruauté. Cette incontournable question du bac philo : A quoi sert l’art ? Peut-être y a-t-il un élément de réponse dans ces pages… L’art comme la guerre sont des inventions humaines. L’art s’il doit avoir une utilité, serait sans doute celle de combattre notre bête intérieure. Faire taire le monstre et ouvrir notre regard à la beauté du monde. La statue du Dieu Bès a retrouvé la terre. Tout est bien. 

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