Couv. : David et Myrtille /
Arcangel Images
|
Assem Graïeb est un militaire des renseignements français. Il
est chargé de retrouver un tireur d’élite américain, devenu mercenaire. Graïeb
est lassé de la guerre. Il s’interroge sur ce qui importe vraiment, sur les
choix qu’il a fait. Il a trop de lucidité pour se retrancher derrière les
ordres qu’il a reçus. Sa conscience le bouscule. Ecoutez nos défaites est une
réflexion sur ce qui reste d’humain dans la guerre. Ce que les hommes
deviennent lorsqu’ils tuent d’autres hommes. Pour nourrir sa réflexion, Laurent
Gaudé nous entraine dans les pas de grands guerriers : L’éthiopien Hailé
Salassié, un homme qui se lève face à l’envahisseur fasciste. Il deviendra le
premier empereur d’Ethiopie mais cèdera à la tentation du pouvoir. Hannibal, un
homme seul capable de précipiter des milliers d’hommes dans la guerre pour
marcher sur Rome. Ou encore le colonel Ulysses Grant, qui se battra pour le
Nord lors de la Guerre de Sécession aux Etats-Unis et deviendra président. Que
deviennent les causes justes, la soif de liberté, le combat pour les droits de
tous, face à la violence, à la peur et au sang. Que reste-t-il de l’humanité
dans la guerre ? (p.70, Grant) : « Car les hommes sont des pions. Il n’y a pas d’autre façon de voir. Ou
alors il ne faut pas être général. Il n’y a pas de fermiers, de gentils pères
de famille (…) Sinon comment pourrait-on décider que tel bataillon monte au
front et pas tel autre ? Comment pourrait-on ordonner à un groupe d’aller
mener une mission de diversion quand on sait qu’il y a une forte chance qu’ils
n’en reviennent pas ? (…) Les hommes ne comptent plus, il faut accepter de
penser ainsi et que le faire vous sort de l’humanité ». Grant encore,
(p.81) : « Tant d’hommes sont
morts aujourd’hui. Mais il refuse qu’on dise qu’il a perdu à Shiloh. C’est une
victoire. C’est à cela que ressemblent les victoires : les blessés
claudiquent et les mourants gémissent, comme dans une défaite ». Grant
toujours (P.142), après le massacre de Bloody Angle qui fit 20.000 morts en
18h00 : « Comment peut-on voir
cela et ne pas en mourir ? ». Dans Ecoutez nos défaites, Laurent
Gaudé pose la question de la culture et l’art face à la guerre. Assem Graïeb a
perdu ses mots dans la guerre. Il essaie de se rappeler ceux du poète Darwich,
pour retrouver sa part d’humanité. Est-ce la guerre qui tue les mots ou y
a-t-il la guerre parce qu’on laisse partir les mots ? Nous suivons aussi Mariam.
Elle est chargée de sauver les œuvres d’art dans les musées éventrés par les
obus et pillés par les combattants. Sauver la part d’humanité du monde. Préserver
la beauté face à la cruauté. Cette incontournable question du bac philo :
A quoi sert l’art ? Peut-être y a-t-il un élément de réponse dans ces pages…
L’art comme la guerre sont des inventions humaines. L’art s’il doit avoir une
utilité, serait sans doute celle de combattre notre bête intérieure. Faire
taire le monstre et ouvrir notre regard à la beauté du monde. La statue du Dieu
Bès a retrouvé la terre. Tout est bien.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire