Ce roman est une chronique
familiale construite comme une enquête quasi-policière. Avec ses suppositions,
ses incertitudes et ses zones grises. Les Boltanski sont originaires d’Europe
de l’Ouest. L’arrière-grand-mère de l’auteur a subi les pogroms. Elle est venue
en France avec son mari, pleine d’espoir, certaine d’avoir trouvé un pays accueillant.
« La lettre s’achevait par une ode à
la France. Ensemble, ils allaient entamer une vie nouvelle sur une terre
généreuse, accueillante, où tous les citoyens, quelles que soient leurs
origines ou leurs croyances, étaient libres et égaux ». Christophe
Boltanski appartient à une famille de peu de racines, une histoire faite d’exil,
de traque et de peur. Une peur viscérale, génétique – inscrites dans les gènes
des descendants. « Nous avions peur.
De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes (…) Du blanc qui présuppose le
noir. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en
criminels. Des Français qui se définissent comme bons, par opposition à ceux qu’ils
jugent mauvais. Des voisins indiscrets. De la réversibilité des hommes et de la
vie. Du pire, car il est toujours sûr ». Dans la famille Boltanski, même
les noms sont incertains : « Cette
famille n’est qu’une longue suite de pseudonymes, de sobriquets, d’alias
achetés ou imaginaires. Des noms plus tout à fait propres à force d’en cacher d’autres
qui posent tous la même question : qui sommes-nous ? ». Christophe
Boltanski a construit son roman autour de l’appartement familial, chaque partie
est basée sur une pièce, jusqu’à la cache qui abrita le grand-père durant l’Occupation.
Cette cache a protégé l’aïeul, mais elle a emprisonné la famille toute entière.
Descendants compris. La force de ce roman est de ne pas rester dans une
histoire personnelle mais de toucher à quelque chose d’universel. Une histoire
singulière qui rejoint l’histoire de dizaines, de centaines d’autres et qui au
final, constitue l’histoire de tous et de chacun. Que l’on soit juif ou non. La
Cache de Christophe Boltanski interroge notre ouverture à l’Autre, au Différent.
La France a construit son histoire sur son ouverture au monde, une terre de
liberté, de droit, d’accueil. Mais elle fut aussi le pays qui livra les juifs à
l’occupant. Elle est aujourd’hui le pays qui hésite à accueillir les réfugiés.
J’ai fini de lire ce livre deux jours avant l’attentat de Nice. Aujourd’hui, je
suis triste, accablée. J’ai peur pour moi, pour nous tous, pour nos enfants.
Mais je refuse de céder à la violence. Je veux encore croire que la République
n’est pas à terre. Je veux croire que notre mode de vie est encore possible. Le
grand-père Boltanski a été profondément marqué par la haine dont il a fait l’objet :
« Il voyait en chacun de ses
semblables un assassin en puissance. Deux conflits mondiaux l’en avaient
convaincu : n’importe qui peut tuer, du jour au lendemain, si les
circonstances le lui permettent, et plus encore, si elles l’encouragent à
commettre un tel acte ». J’en suis convaincue moi aussi. Il me faut
trouver les ressources pour combattre cela, en moi. En espérant que le plus grand
nombre le fera aussi. Alors, peut-être, nous aurons une chance.
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