lundi 4 juillet 2016

Celle que vous croyez de Camille Laurens

Voici un livre qui m’a saisie. Par l’histoire tout d’abord, ou plutôt les histoires. Car il y a trois personnages imbriqués: Claire Anthunès, Clé et Camille. Trois femmes en une. Une quasi quinquagénaire qui ne veut pas se résoudre à mourir. Mourir socialement et amoureusement. Car passé un certain âge, une femme n’est plus considérée comme « aimable » dans notre société. (p13) « Moscovici il a une femme qui a trente ans de moins que lui « La belle et le Ministre » c’est les titres des journaux tandis que Macron, c’est « le séducteur de vieille » personne ne nous aime c’est horrible tu le vois dans la rue tu le sens t’es vieille les regards me traversent ou m’attaquent dégage casse-toi tu pues la mort tu sens le moisi vous avez vu Madonna les gens lui reprochent de « vouloir continuer à exister » c’est ça ce sont les mots exacts que l’ai lus dans le journal(…) « à cinquante ans Madonna est pathétique de vouloir continuer à exister » qu’est-ce qu’il faut alors il faut vouloir cesser d’exister il faut se retirer de soi-même ». Claire n’accepte pas la rupture avec Jo. Pour continuer à le voir de loin, elle se crée un faux profil Facebook et entre en contact avec son meilleur ami Chris. Prisonnière de ses mensonges, elle va vivre une passion avec Chris (p.140) « j’étais fleur à respirer, j’étais fruit à mordre, des feuilles me poussaient un peu partout, des bourgeons, des branches, quel changement de saison ! Puis il s’est dégagé, a exercé une pression sur mon épaule, je me suis agenouillée (…)  il hésitait entre deux rôles, acteur hard dans du X ou amoureux transi dans un film romantique (…) Mais moi, tout me plaisait, j’étais à ma place ici et là, j’auditionnais pour les deux rôles, je voulais bien tout, moi, sans partage, sans nuance, mon désir accueillait tous les contraires ». Le roman de Camille Laurens navigue entre le roman d’amour, le thriller psychologique et l’étude sociologique, avec une belle réflexion sur la difficulté pour les femmes à tenir le rang que l’on impose. (p.47) « je voudrais tellement être un homme, parfois. Ça me reposerait ». Ce livre m’a aussi saisie par la langue : des phrases saccadées et sans ponctuation auxquelles succèdent une écriture soignée, une exigence du mot juste et de la phrase la plus épurée. Parfois des aphorismes jaillissent entre les pages. (p170) « C’est cela qu’on cherche, me disais-je, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même avant de mourir ». Camille Laurens nous offre aussi de belles pages sur l’amour, le désir et l’écriture, qui procèdent d’un même élan. Auxquels j’ajouterai personnellement la lecture.


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