Voici un livre qui m’a saisie.
Par l’histoire tout d’abord, ou plutôt les histoires. Car il y a trois
personnages imbriqués: Claire Anthunès, Clé et Camille. Trois femmes en une. Une
quasi quinquagénaire qui ne veut pas se résoudre à mourir. Mourir socialement
et amoureusement. Car passé un certain âge, une femme n’est plus considérée
comme « aimable » dans notre société. (p13) « Moscovici il a une
femme qui a trente ans de moins que lui « La belle et le Ministre » c’est
les titres des journaux tandis que Macron, c’est « le séducteur de vieille »
personne ne nous aime c’est horrible tu le vois dans la rue tu le sens t’es
vieille les regards me traversent ou m’attaquent dégage casse-toi tu pues la
mort tu sens le moisi vous avez vu Madonna les gens lui reprochent de « vouloir
continuer à exister » c’est ça ce sont les mots exacts que l’ai lus dans le
journal(…) « à cinquante ans Madonna est pathétique de vouloir continuer à
exister » qu’est-ce qu’il faut alors il faut vouloir cesser d’exister il
faut se retirer de soi-même ». Claire n’accepte pas la rupture avec
Jo. Pour continuer à le voir de loin, elle se crée un faux profil Facebook et
entre en contact avec son meilleur ami Chris. Prisonnière de ses mensonges,
elle va vivre une passion avec Chris (p.140) « j’étais fleur à respirer, j’étais
fruit à mordre, des feuilles me poussaient un peu partout, des bourgeons, des
branches, quel changement de saison ! Puis il s’est dégagé, a exercé une
pression sur mon épaule, je me suis agenouillée (…) il hésitait entre deux rôles, acteur hard dans
du X ou amoureux transi dans un film romantique (…) Mais moi, tout me plaisait,
j’étais à ma place ici et là, j’auditionnais pour les deux rôles, je voulais
bien tout, moi, sans partage, sans nuance, mon désir accueillait tous les contraires ».
Le roman de Camille Laurens navigue entre le roman d’amour, le thriller psychologique
et l’étude sociologique, avec une belle réflexion sur la difficulté pour les
femmes à tenir le rang que l’on impose. (p.47) « je voudrais tellement
être un homme, parfois. Ça me reposerait ». Ce livre m’a aussi saisie par
la langue : des phrases saccadées et sans ponctuation auxquelles succèdent
une écriture soignée, une exigence du mot juste et de la phrase la plus épurée.
Parfois des aphorismes jaillissent entre les pages. (p170) « C’est cela qu’on
cherche, me disais-je, le plus grand chagrin possible pour devenir soi-même
avant de mourir ». Camille Laurens nous offre aussi de belles pages sur l’amour,
le désir et l’écriture, qui procèdent d’un même élan. Auxquels j’ajouterai personnellement
la lecture.
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