mardi 3 mai 2016

Jugan de Jérôme Leroy

Jugan est un ancien militant d’extrême-gauche des années 70. Il a tué pour sa cause et n’a jamais renoncé à la lutte armée. Défiguré, il sort de prison après des années d’enfermement en haute sécurité. Clotilde est une ancienne camarade de Jugan. Elle n’a jamais abandonné son ami pendant son incarcération, mais porte la culpabilité de ne pas s’être engagée à ses côtés dans la violence. Et puis, il y a la jeune et belle Assia. Sorte d’Antigone des banlieues, qui aspire à plus de liberté face à ce père qui l’étouffe. Elle travaille bien au lycée, elle aide les enfants en difficulté après les cours. Mais, elle va croiser Jugan. Ce roman parle de l’engagement politique, de la violence. Du sentiment de trahison des idées et des êtres. C'est aussi un livre sur l’identité. Jugan sans visage, est-il toujours celui qu’il fut ? Assia, beurette en manque d’affection, est-elle uniquement ce que les autres veulent qu’elle soit ? Clotilde, pleine de culpabilité, a-t-elle trahi ses idéaux ? Ou est-elle restée fidèle à ce qu’elle est au fond ? Jugan est le roman des choix. A partir des idéaux des années 70 en France, la lutte prolétaire, la lutte armée, Jérôme Leroy interroge nos choix de vie. Une cause mérite-t-elle de mourir ou de tuer ? P.85 : « S’ils lui avaient ordonné de tuer un ministre, de poser une bombe dans une caserne ou d’enlever l’enfant d’un patron, il l’aurait fait. Pour la Cause. Et il était étonné de voir qu’il y avait toujours eu à travers le temps des hommes pour reprendre l’étendard de cette Cause, pour tout y sacrifier et s’y brûler dans un mélange de rage inapaisable et de bonheur fou. Jugan était de cette race-là, une race magnifique et dangereuse ». La violence de Jugan n’est pas seulement liée à la cause. Il est la violence. Il est possédé par elle. Sinon pourquoi asservir ainsi Assia ? La violence se nourrit des hommes. Assia elle-même accepte cette violence et s’offre à elle. P.122 : « La nuit dernière, l’homme à la face violacée l’avait prise de toutes le manières imaginables, cherchant à l’humilier et à lui faire mal mais le pire c’est qu’elle avait aimé cette souffrance, qu’elle en hurlait de plaisir ». Seule Clotilde, la petite boiteuse, a su combattre la bête, en elle. Mais elle n’a pas renoncé à son admiration.
Jérôme Leroy a une écriture fluide et efficace. Pas un mot en trop. Une écriture au cordeau pour une histoire de chair, de sang et de douleur.




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