jeudi 20 août 2015

Dora Bruder de Patrick Modiano

Couverture : René-Jacques
Ni un roman, ni un récit… Patrick Modiano nous livre ici une véritable enquête. A partir d’un avis de recherche publié dans Paris-Soir le 31 décembre 1941, Modiano a cherché, fouillé, retourné les archives, les lieux et sa propre mémoire pour tenter de reconstituer les derniers mois de Dora Bruder. Une jeune fille française, juive, âgée de 16 ans en 1942. Et nous suivons au fil des pages, le minutieux travail de recherche de cet écrivain, obsédé par la mémoire, l’oubli, le passé. Patrick Modiano réussit à rendre leurs noms, leurs lieux et donc leurs identités à Dora Bruder et ses compagnes d’infortune Claudine, Zélie, Raca, Marthe ou Yvonne. Il retrouve aussi les lettres poignantes de parents, de femmes, d’hommes qui demandent aux autorités françaises des nouvelles d’un fils, d’une fille, d’un neveu (Albert Graudens, Nelly Trautmann, Zelik Pergricht, Violette Lévy, Michaël Rubin, Paulette Gothelf…). Ce faisant, Patrick Modiano redonne une épaisseur, une existence propres aux adultes et enfants internés à Drancy en 1942 et 1943, avant d’être déportés à Auschwitz, et dont très peu reviendront. Dans Dora Bruder, on comprend aussi un peu mieux pourquoi Patrick Modiano a été tant marqué par l’occupation nazie. Son père, juif d’origine italienne a lui aussi été arrêté en 1942… « Si je n’étais pas là pour l’écrire, il n’y aurait plus aucune trace de la présence de cette inconnue et de celle de mon père dans un panier à salade en février 1942, sur les Champs-Elysées. Rien que des personnes -mortes ou vivantes- que l’on range dans la catégorie des individus non identifiés » (p.65). On apprend aussi que sa chambre d’enfant a servi d’abri à un résistant : le Zébu. « D’autres, comme lui, juste avant ma naissance, avaient épuisé toutes les peines, pour nous permettre de n’éprouver que de petits chagrins » (p.99). Et c’est bien cela qui pousse Patrick Modiano, sans cesse, a fouillé le passé de Paris occupé. Cette reconnaissance incommensurable, cette conscience forte de ce qu’il doit (et nous tous avec lui) à ceux qui l’ont précédé. Oui. Avec des œuvres comme celle de Patrick Modiano, la littérature rend un visage à ces hommes, femmes et enfants, morts de la cruauté d’autres hommes. Morts en résistant chacun à leur manière. Comme cette dizaine de jeunes françaises non juives qui ont porté l’étoile jaune en solidarité et qui furent internées à Drancy dans la catégorie « amies des juifs ». Patrick Modiano leur rend une identité, une profession : dactylos, marchandes de journaux, femmes de ménages, employées des PTT, étudiantes. Et grâce à lui, nous les connaissons un peu.

5 commentaires:

  1. Merci pour cet éclairage qui donne envie de découvrir ce livre de Patrick Modiano.

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  2. Patriiiick, je l'aime déjà; -) Merci pour les extraits qui titille notre appétit de lecture. Vivement les longues soirées d'hiver.

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  3. Patriiiick, je l'aime déjà; -) Merci pour les extraits qui titille notre appétit de lecture. Vivement les longues soirées d'hiver.

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  4. Patriiiick, je l'aime déjà; -) Merci pour les extraits qui titille notre appétit de lecture. Vivement les longues soirées d'hiver.

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  5. Merci à vous deux pour votre retour !
    Jerry, tiens moi au courant de ce que tu en as pensé !
    Géraldine, pour les longues soirées d'hiver, j'ai plein d'autres idées !! ;o)

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