Jeanne, Brigitte, Assia et Mélody sont atteintes d'un
cancer.
Ce pourrait être une histoire d'hôpital, de
traitements, de souffrance. Ce pourrait être un réquisitoire contre la maladie.
Ce pourrait être un drame, une tristesse infinie, une condamnation. Ce n'est
que la toile de fond d'une histoire de femmes, de guerrières, de braves. Des
femmes drôles et lumineuses, vivantes.
La narratrice, Jeanne, a 39 ans, Brigitte un peu plus,
Mélody un peu moins. Elles entrent en soins comme on part à la guerre, la rage
au ventre et la peur au cœur. Les hommes sont absents, ils refusent leurs
rôles. Mais elles ne sont pas seules. Elles se découvrent sœurs de lutte,
frangines de cancer.
Des sœurs, et des mères les unes pour les autres. Nul
besoin d’avoir un enfant pour être maternelle. Assia qui bouscule, Brigitte qui
console, Jeanne qui écoute. Mélody, la plus jeune, reste leur fille à
toutes.
En guerre, comme en cancer, tout est urgence. Urgence
de soins, urgence de vie. Tout est plus fort : les douleurs, la peur, l'amitié,
l'humour, la solidarité, les promesses.
Jeanne découvre un monde parallèle. Le cancer change
le regard des autres mais il change aussi le regard du malade sur le reste du
monde. Changement de réalité, changement de priorité. La gentille Jeanne, trop
douce, trop effacée, va prendre sa liberté. Comme on vole un sac. A l'arrachée…
(p.175) : « Le cancer m’avait
fait pressée, vivante, rugueuse aussi. Ma priorité était d’arriver jusqu’au
matin suivant. Je ne m’excusais plus ».
Toutes les quatre, en gang, elles vont arracher bien
plus qu'un sac. Pour l'une d'entre elles. Pour elles toutes. Et la grisaille
vole en éclat.
On rit. On pleure aussi. Pas d’apitoiement, mais de
soulagement, parce que des mots sont mis sur des silences, des gestes, des regards, sur ces
liens d'humains, qui nous manquent tant de fois dans une vie.
Sorj Chalandon nous donne son humanité en partage.
Il se glisse dans la peau d'une femme et tout est juste. Parce que le sexe ne fait pas l'intelligence du cœur. Il se glisse dans la peau d'une mère. Parce qu'on peut inventer ce qui a manqué.
Surtout, il entrouvre la porte de son nouveau monde à ceux qui sont de côté. Les
bien-portants, tout empêtrés, maladroits des mots et des regards. « Des amis qui croyaient bien faire et
qui le faisaient mal ». (p.227)
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