Joseph Ponthus a suivi des études littéraires. Il a été travailleur social
avant de quitter son emploi pour suivre son épouse en Bretagne. Depuis, il est
intérimaire, en abattoir industriel principalement. Un monde dans le monde.
(p.17) : « Je ne connais que
quelques types de lieux qui me fassent ce genre d'effet absolu, existentiel,
radical. Les sanctuaires grecs, la prison, les îles et l'usine. Quand tu en
sors, tu ne sais pas si tu rejoins le vrai monde ou si tu le quittes ».
Un livre écrit comme à la chaîne, sans ponctuation.
Pas de point, pas de virgule, pas d'interrogation ou d'exclamation. Un texte
brut qui va à l'os. Tout comme les relations qu'il décrit entre collègues de
ligne, dans les abattoirs. On pousse, on tire, on aiguille les carcasses. On
force, on n'a pas le temps pour les discours. Rapport minimum. Quelques gestes trahissent
le souci de l'autre, comme le renfort de celui qui a fini plus tôt ou ce bonbon
glissé discrètement dans une poche. Joseph Ponthus nous parle de la dignité du
travail, de la nécessité de nourrir sa famille. Il nous montre la solidarité,
le respect, la retenue, la pudeur et la fraternité.
Pas d’angélisme non plus dans A la ligne. Tout est dur : le travail, les horaires, la
disponibilité permanente en cas d’appel. Si Ponthus supporte c'est grâce à son
bagage culturel. Il convoque les écrivains, les poètes, les chanteurs. La
littérature, la poésie, la beauté pour que seul son corps trinque. (p.179) :
« La vraie et seule liberté est
intérieure. Usine, tu n’auras pas mon âme ». Il est aussi conscient de
sa chance. D’autres subissent. Lui sait intellectualiser sa situation pour la
rendre acceptable. Et dire tout l’amour et la reconnaissance d’un fils pour sa
mère. (p.214) : « Peut-être
penses-tu que c'est du gâchis d'en arriver là, à l'usine. Franchement, je ne
crois pas, bien au contraire. Ce que tu ne sais sans doute pas, c'est que c'est
grâce à ces études que je tiens le coup et que j'écris ».
En filigrane dans ces lignes, en dessous
de l’hommage aux travailleurs sans voix, il y a l’engagement en littérature (p.262) :
« Il y a qu’il n’y aura jamais,
même si je trouve un vrai travail si tant est que l’usine en soit un faux, ce
dont je doute, il n’y aura jamais de point final à la ligne ».
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