couverture : Hans Reychman |
La première chose qui surprend
lorsqu’on ouvre La Serpe, c’est le ton. Un humour ironique, une autodérision
qui vous happe. On ne lit pas Philippe Jaenada, on l’écoute. Il nous parle
comme on confirait une bonne histoire à son meilleur ami, « tu n’connais
pas la dernière… ».
Au détour d’anecdotes, de
digressions, il nous raconte l’histoire d’Henri Girard, alias Georges Arnaud,
auteur du Salaire de la Peur. Et tueur présumé de trois personnes : son
père Georges Girard, sa tante Amélie Girard et la bonne Louise. Triple crime
violent, barbare, à coups de serpe. Philippe Jaenada nous embarque dans sa
Mériva de location pour un voyage dans le temps. Destination : 1941, Le
Périgord.
Au matin du 25 octobre 1941, dans
le château d’Escoire, fermé de l’intérieur, trois personnes gisent dans leur
sang. Le quatrième occupant du château, Henri Girard, est le seul survivant.
Aucune trace d’effraction. Philippe Jaenada se plonge dans les archives. Henri
Girard y est décrit comme un homme dépensier, oisif, inconséquent, en conflit
avec sa tante. A la découverte des corps, il ne montre aucune émotion et se
permet quelques notes sur le piano, à l’arrivée des premiers voisins. Enquête
bouclée. Le colonel Moutarde dans le petit salon. Fastoche. Il sera pourtant
acquitté.
Philippe Jaenada creuse plus
profondément, fouille les archives mais aussi les notes de l’avocat, les
rapports d’expertises. Le moindre document disponible est passé au crible. La
Serpe est une enquête rigoureuse, minutieuse, admirablement construite,
follement vivante. Les faits sont réels, mais le livre est un roman. Élégance
de l’auteur qui a changé quelques noms afin de protéger les descendants.
La Serpe est aussi (et surtout) un
livre sur la relation père-fils. Georges et Henri, Philippe et Ernest. Que l’on
vive en 1941 ou en 2018, un père souhaite le bonheur de son enfant et un fils
veut être digne de la fierté de son père. (p. 324) : « Comme quand tu étais petit, je te recommande de bien te soigner
et de ne pas prendre mal ». (p.353) : « Si je ne le faisais pas, ce serait fini pour toi d’avoir pour
fils un chic type. ».
Philippe Jaenada s’est approché au
plus près d’Henri, de ses provocations, de ses failles, de ses contradictions,
jusqu’à trouver l’homme derrière le « monstre ». Le tout petit. Riri.
Il rend hommage à l’engagement et à la probité des avocats Maurice Garçon et
Abel Lacombe. Et au passage, il salue l’intégrité de l’enquêteur Jean Biaux.
Philippe Jaenada aime ses personnages, il les couve du regard, les prend par
l’épaule et nous les présente, comme on présente des amis à un copain.
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