couverture : Henri Rousseau |
Antoine et Lila ont une vingtaine d’années. Ils vont bientôt
devenir parents. Mais, nous sommes en 1960. Antoine est appelé en Algérie, un
pays dont il ignore tout, pour faire une guerre qui ne dit pas son nom. Antoine
n’a pas l’âme d’un soldat, il refuse de tenir une arme. Il sera donc infirmier
dans l’hôpital militaire de Sidi-Bel-Abbès. Il pensait échapper à la guerre. Il
se retrouvera au plus près d’elle, parmi les corps et les esprits qu’elle a
brisés. Il découvre aussi un pays et une culture inconnus, des mots nouveaux,
des saveurs inédites. La peur, la tension, la violence, le sang se mêlent au
soleil, à la plage, aux figues de barbarie et au jasmin. Lila est une femme
libre et fière. Elle refuse d’attendre son homme. Elle quitte famille et
travail et part pour l’Algérie. Pour Antoine, elle est la paix qui débarque en
guerre. Une bénédiction et une déchirure. Il l’aime, il est heureux de la
retrouver. Mais il doit quitter ses compagnons de chambrée. Devenir chaque
soir, une cible pour sniper, le temps de parcourir les quelques centaines de
mètres qui séparent l’appartement familial de la caserne. Comment inventer des
gestes de père, retrouver des élans d’amant, lorsque chaque jour, vous êtes
confronté à la barbarie ? (P.110) : « Il lave les assiettes plus que
nécessaire, il frotte, il insiste, il rince encore et encore, et ce sont ses
avant-bras qu’il trempe et qu’il nettoie pour en enlever les dernières traces
de sang imaginaire, qu’il a déjà frottées plus que de raison sous l’eau de la
douche. Puis il s’essuie plusieurs fois. Il regarde ses mains, celles qui ont
tapoté les joues du garçon dans l’ambulance, les mêmes qui vont caresser la nuque
de Lila ». Brigitte Giraud
nous parle des corps, des regards, des gestes de ces jeunes, innocents et
naïfs, bravaches et apeurés. (P. 38) : « Chacun
rit, mais les rires ne sont pas francs. Chacun traque la peur dans les yeux de
l’autre. Ils se mettent au défi, chacun jouant son rôle à la perfection. Ils se
mentent si bien ». Les femmes n’échapperont pas à la guerre qui délite
les amitiés. Lila, la française, Alcaraz, la pied-noir et Fatima, l’algérienne,
ne partageront le thé, qu’un temps. Cette amitié est vouée à l’échec. Enfin, il
y a Oscar, ce jeune homme amputé, mutique, mystérieux. Antoine le masse, le soigne,
lui parle. Il cherche à entrer dans le silence de ce soldat, pour comprendre ce
qu’il a vécu. Une relation exclusive lie les deux hommes. La guerre, c’est
aussi cela : des amitiés plus fortes qu’ailleurs, parce qu’il y est
question de vie et de mort. Dans chaque guerre, il y a des hommes qui tuent et
d’autres qui sauvent. Ceux qui soignent et ceux qui massacrent. Et comme dans
le conte de Tahar, le loup n’est pas toujours celui qu’on croit.
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