Couverture ; Quintin Leeds / Ellen Kooi |
Shell est un enfant différent. Sa perception du monde n’est
pas la nôtre. Il ne comprend pas l’ironie ou le second degré. Il ne connait pas
les faux-semblants, non plus. Le médecin dit que sa tête a arrêté de grandir. Mais
le docteur Bardet n’a pas compris. (p.70) : « Ma tête, au contraire, elle était grande, bien plus grande que
celle des autres. C’était le monde qui était petit ». Shell n’a pas
les mots. Il ne sait pas se raconter, dire, expliquer (P.72) : « Quand je voulais dire quelque chose d’immense,
ça finissait toujours petit ». Shell veut devenir un homme, prouver à
ses parents qu’il peut suivre son propre chemin, quitter la station-service. Il
veut faire la guerre, comme le font tous les hommes. Alors il fugue. Et
commence un voyage initiatique qui le mènera jusqu’à Viviane. Une jeune fille en
souffrance qui s’est construit un château de vent pour se protéger. Ces deux
âmes perdues vont tenter de s’apprivoiser. Jean-Baptiste Andréa nous plonge
dans le monde de l’enfance, à la fois cruel et terriblement poétique. L’innocence
de Shell nous ouvre les yeux sur notre propre monde. (p.154-155) : « Ce matin-là, dans cette pièce toute
jaune de soleil neuf, j’ai compris quelque chose d’important. J’étais bizarre,
pas normal, plein de problèmes, d’accord. On n’arrêtait pas de me le répéter.
Mais finalement, tout le monde était comme moi. Les autres avaient aussi leur
Malocchio, leurs cauchemars à eux, ils leurs donnaient juste d’autres noms ».
Et l’on se dit que Shell n’a pas la même perception du monde que nous. Mais la
sienne est peut-être plus lucide. Jean-Baptiste Andréa manie les mots avec
précaution. Chaque phrase est précise. Pas d’effet, pas de lourdeur. Une poésie
au cordeau, sans fioriture, mais avec une douceur à fleur de peau. Et cet
instant magique : la rencontre entre Shell et Matti, l’ermite. Une compréhension
mutuelle, sans mot. Une fraternité de silence et de regard. (p.208) : « j’ai annoncé que je partirais le
lendemain matin, il a haussé les épaules, c’était son geste pour dire « c’est
bon » (…) On n’a pas eu besoin de se sourire, on le pensait fort ».
Ce petit garçon, avec sa tête trop grande pour un monde trop petit, est
bouleversant de pureté. On voit un caillou, quand il cache un diamant.
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