lundi 16 janvier 2017

Petit Pays de Gaël Faye

Petit Pays n’est pas un livre sur le génocide du Rwanda. Non, puisque l’histoire se déroule au Burundi. Et pourtant, le génocide est partout, parce que nous savons qu’il a eu lieu. Nous savons que le Burundi est frontalier avec le Rwanda et nous savons que l’histoire se déroule justement à l’époque du génocide. Mais Gaël Faye veut nous montrer son beau petit pays, nous faire sentir ses manguiers, nous faire connaitre sa famille, ses amis d’enfance, sa rivière boueuse, sa voisine qui lui sauve l’âme avec ses livres. Et nous nous laissons guider à la découverte de ce si beau petit pays. Et nous sentons les parfums et nous foulons la poussière. Et finalement, nous nous laissons surprendre, comme l’enfant Gabi, par l’ombre de la mort et l’odeur du sang. Avec une écriture douce, un regard à hauteur d’enfant, Gaël Faye nous explique comment un gamin lutte avec ses propres armes et une poignée de livres pour sauver quelques jours d'enfance face à la fureur du monde. (P.196): « On apprivoisait l’idée de mourir à tout instant. La mort n’était plus une chose lointaine et abstraite. Elle avait le visage banal du quotidien. Vivre avec cette lucidité terminait de saccager la part d’enfance en soi ». Ce n’est pas un livre sur le génocide. C’est un livre sur ce que la guerre détruit chez ceux qu’elle ne tue pas. L’innocence, l’insouciance, la naïveté, la joie. La confiance, aussi. (p.185) : « Le génocide est une marée noire. Ceux qui n’y sont pas noyés sont mazoutés à vie ». Petit Pays nous montre qu’il n’y a pas de pays maudits, qui seraient inéluctablement voués à la guerre et à la violence. Et d’autres qui seraient à l’abri, comme immunisés. Avant chaque guerre, il y avait un pays en paix. Gaël Faye nous rappelle aussi qu’il n’y a pas de guerre propre ou juste ou libératrice. Il n’y a que violence aveugle, mort, sang et pourriture. Il n’y a que des hommes qui tuent d’autres hommes, qui tuent aussi les femmes et les enfants. Parce qu’il n’y a plus d’arguments, parce que l’autre n’est plus un être humain, mais un cafard, un rat, un nuisible qu’il faut exterminer. L’enfant n’est plus un enfant. Il est un futur ennemi qu’il faut empêcher de grandir. Tout cela, Gaël Faye nous le montre avec des souvenirs de mangues mûres, de baignades, de rires, de brise du soir et de peur au ventre.




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