Couverture : D. Hoch |
Simona et Mirko ont quitté le
Kosovo en guerre. Ils sont des migrants. Grâce à Paola Pigani, ils quittent l’anonymat
de la masse, le flou de ce mot valise. Et ils deviennent ce qu’ils sont : une
femme et un homme. Une sœur et un frère, avec des prénoms, des visages, des
histoires, des vies et des espoirs. On les suit comme leurs ombres,
silencieusement, dans leur exode, leur attente dans un camp. Leurs démarches
administratives : résumer leur histoire, raconter sans trop en faire,
protéger sa dignité. L’arrivée en France : apprendre les mots, la vie, la
paix. Comment laisser sans oublier ? Comment partir sans trahir ?
Comment quitter sans renier ? Simona, la lumineuse. Son envie de vivre, de
rire, sa boulimie de mots. (p.27) : « Simona
garde les mots en bouche comme des bonbons. Elle en suce en silence jusqu’à ce
que son cerveau veuille bien associer les images aux sons, aux lettres, et
restituer une partie de leur corps. Elle roule sa voix sur cette nouvelle
langue. Elle l’aime. Elle la crache. Elle la chante avec toute la hargne qui l’habite ».
L’esprit de Mirko, lui, est resté au Kosovo, avec son frère et son neveu. Son
sentiment de culpabilité le grignote. Pourtant, ses rencontres le portent :
Agathe, l’artiste de la friche RVI. (p.68) : « -tu viens d’où ? -Kosovo. -Tu es Serbe ? -Albanais. -Ah
Pardon ». Dans cet échange de presque rien, Agathe reconnait Mirko.
Elle lui dit : je connais ton histoire. Elle est la première personne qui
ne l’assimile pas à un Rom, ou juste à un migrant de l’Europe de l’Est. En France,
tout est globalisé, mélangé. C’est une négation de l’identité. Autre rencontre :
Pierre, le libraire. Il lui offre les mots des poètes et les frontières des
Atlas. Paola Pigani nous montre des hommes, des femmes, des presque-enfants à
hauteur de regard, ni en-dessous, ni au-dessus. Leurs espoirs et leurs
désillusions. La fuite sous les bombes, la suite de choix aveugles. Attendre
dans les camps ou tenter le voyage ? Où ? Italie ? France ?
Angleterre ? Et même après, une fois installés, avec des papiers, un
emploi. Toujours les questions, les doutes, le regard des autres, le racisme,
la violence. Rien n’est jamais fini. La paix est aussi une lutte. La solitude
en plus.
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