mardi 1 novembre 2016

Dans l’attente de toi d’Alexis Jenni

couverture : Quintin Leeds
Quand les mots manquent, il faut parfois écrire un livre. C’est le point de départ d’Alexis Jenni. Le prix Goncourt manque de vocabulaire pour dire à sa femme à quel point elle le touche, le bouleverse. Il veut dire l’expérience du corps. Traduire en mots, la douceur d’une courbe, le vertige d’un galbe, le frisson de la peau. Alors il a l’idée de s’aider, non pas d’un dictionnaire, mais de la peinture. Il convoque ainsi Pierre Bonnard, Francis Bacon, Georges de la Tour. Ou Rembrandt, Fragonard et Picasso. Alexis Jenni nous convie dans son musée personnel. Nous déambulons d’œuvre en œuvre. Il nous en montre les arcanes et ainsi nous touchons avec lui la sensualité de la création. Nous suivons du doigt les touches de pinceaux. Nous explorons nos propres sensations. (p.54) : « Je ne sais pas comment la peinture fait ça, d’être touchante alors que simplement on la voit. Je ne sais pas comment la cervelle fait ça, de mélanger ce que je vois et ce que je touche ». Nul besoin de connaitre les œuvres ou d’être un expert en peinture pour lire Alexis Jenni. Il nous apprend au contraire à écouter les réactions de notre corps, nos sensations face au tableau. Connaissance empirique et sensible. A la lecture de sa lettre à sa femme, on peut aussi suspecter Alexis Jenni d’une certaine coquetterie… car il parvient très bien à mettre en mot, le fragile, l’intangible, le ressenti : (p.176) : « J’étais troublé qu’elle me sourie, et qu’elle réveille ainsi cette petite part tremblante tout au fond de moi, qui pleure en silence quand elle est seule et qui tressaille à la moindre attention ». Dans l’attente de toi est une déclaration d’amour, romantique, impudique, érotique, folle. Et ce qui pourrait rester un livre d’un homme à sa femme, devient un plaidoyer de l’amour, du corps et des mots. Car tous avons ressenti une fois, plusieurs jours ou depuis des années, la sensualité de l’être cher. Et les mains qui nous ont touchés, ont laissé leur empreinte. (p.244) : « Et sur la totalité de notre peau sont d’innombrables traces de nos mains qui assurent notre existence, par amour ». Quel plaisir, quelle émotion d’avoir enfin des mots pour le dire.



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