lundi 21 novembre 2016

La valse des vivants d’Antoine Rault

Un soldat de la Première Guerre Mondiale, revient du front, amnésique. Parlant aussi bien le français que l’allemand. Est-il Français ? Allemand ? Espion ? Simulateur ? Déserteur ? Les traumatisés de guerre, sans blessure apparente, sont considérés comme déserteurs et simulateurs par les médecins de l’époque comme Babinski ou Sicard. La psychiatrie est à peine née, pour les soigner, on leur inflige des traitements de choc (bains d’eau glacé, électrochocs…) pour vite les renvoyer au front. Antoine Rault a fait un choix original dans la construction de son roman, en insérant des commentaires ou des précisions historiques. Concernant le traitement de ce que l’on appelle encore l’Obusite (p.18) « Petite précision intéressante : en France, les traumatismes psychiques dus à la guerre ne sont reconnus comme des blessures ouvrant droit à une invalidité que depuis 1992 ». La Valse des Vivants, ce ballet politique et diplomatique, le mépris des vainqueurs pour les vaincus, l’humiliation de l’Allemagne. Dont on comprend qu’ils seront le terreau de la guerre suivante. La Valse des Vivants, cette danse enlevée qui laisse de côté les sans personne, les sans histoire, les presque-morts. Comment continuer à vivre, comment seulement fonctionner, lorsqu’on ne sait pas qui on est, ni d’où l’on vient ? Seul souvenir de Charles : la guerre. Son seul ami : un corps mort déchiqueté par un obus. Sa seule identité : soldat. La guerre lui apparaît alors comme son seul lieu d’existence, son seul espoir pour se trouver. (p.268) : « En plongeant dans la guerre, en risquant sa vie, il saura. Il saura qui il est. Forcément. Car alors chacun apprend son courage ou sa faiblesse, sa dignité ou sa bassesse, son humanité ou sa barbarie. Personne ne peut tricher, mentir, face au feu, à la mort. La peur nous révèle tout ». Puissante réflexion sur l’identité (p.105) : « Comment pouvez-vous comprendre ? Comment pouvez-vous savoir ce que ça fait d’être incapable de penser à quelqu’un que vous aimez, de voir son visage, son sourire, de savoir que quelqu’un vous aime et vous attend ? Ce qu’il ressent soudain, c’est une infinie solitude ». Charles est absent à lui-même. Solitude ultime de celui qui ne peut même pas être avec lui-même.


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