Couverture : Andy Roberts |
Gaby Aspinall est un quadra qui
ne s’encombre pas vraiment avec les convenances, la politesse, les scrupules.
(p.10) : « Dans la hiérarchie
des salopes il y a les députés, les avocats, les banquiers, les assureurs, les
agents immobiliers et les acheteurs. Je suis acheteur chez Arema. Je passe mon
temps à gratter des pourcentages sur des fournisseurs souvent pris à la gorge
qui ne peuvent pas lutter contre un grand groupe et qui s’allongent, toujours,
systématiquement ». Un homme plutôt antipathique, donc. Mais Jacky
Schwartzmann aime ses personnages, alors il leur donne des failles, des
aspérités. Il y a du grotesque chez Gaby. Du pathétique aussi. Ce qui saisit en
tout premier lieu dans l’écriture de Jacky Schwartzmann, c’est l’humour.
Mordant, caustique. On rit dès la première page. Et on ne s’arrête pas
vraiment. Il y a le ton très libre, les gros mots, les expressions. Les moments
de solitude et les humiliations du quotidien, les actes manqués, les paroles
malheureuses… Mais rien n’est gratuit. Mauvais Coûts, c’est une comédie
contemporaine qui épingle le monde de l’entreprise : la hiérarchie, avec
Itsuka, la cheffe de service, l’atelier, les syndicats, les actionnaires…. Il
est aussi question pêle-mêle de Nescafé, de foot et de rugby, d’Alain Souchon,
d’échangisme, de famille, de vie et de mort. Mais je ne voudrais pas réduire ce
roman à une vaste blague. Il y a de la profondeur chez Jacky Schwartzmann et un
réel talent d’écriture. Sous les gros mots, le machisme, le cynisme, il laisse
parfois filtrer une très belle sensibilité. (p.23) : « Je ne peux pas trop le décrire, il avait l’œil à moitié
pétillant et à moitié anesthésié, il avait le regard mou et un voile humide
par-dessus. Un punk et un zombie, voilà, je dis pas mieux. Un mutant, un
monstre de lui. ». Gaby Aspinall n’est pas meilleur ni pire que tout
un chacun. C’est un homme pris dans le monde actuel, qui se débat pour tracer
sa route. Sans trop savoir où il veut aller. Je ne dévoilerai pas la fin, ça ne
se fait pas en général et encore moins dans ce cas particulier. Jacky
Schwartzmann ménage ses effets, ne recule devant aucun sacrifice, ne
s’embarrasse pas avec la morale ou les conventions. Un peu comme Gaby. Que
c’est bon la littérature, quand elle vous emmène aux frontières
infranchissables de la bienséance, et qu’une fois arrivés, elle vous pousse un
tout petit peu, pour que vous mettiez un pied dehors.
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