lundi 28 novembre 2016

Mauvais Coûts de Jacky Schwartzmann

Couverture : Andy Roberts
Gaby Aspinall est un quadra qui ne s’encombre pas vraiment avec les convenances, la politesse, les scrupules. (p.10) : « Dans la hiérarchie des salopes il y a les députés, les avocats, les banquiers, les assureurs, les agents immobiliers et les acheteurs. Je suis acheteur chez Arema. Je passe mon temps à gratter des pourcentages sur des fournisseurs souvent pris à la gorge qui ne peuvent pas lutter contre un grand groupe et qui s’allongent, toujours, systématiquement ». Un homme plutôt antipathique, donc. Mais Jacky Schwartzmann aime ses personnages, alors il leur donne des failles, des aspérités. Il y a du grotesque chez Gaby. Du pathétique aussi. Ce qui saisit en tout premier lieu dans l’écriture de Jacky Schwartzmann, c’est l’humour. Mordant, caustique. On rit dès la première page. Et on ne s’arrête pas vraiment. Il y a le ton très libre, les gros mots, les expressions. Les moments de solitude et les humiliations du quotidien, les actes manqués, les paroles malheureuses… Mais rien n’est gratuit. Mauvais Coûts, c’est une comédie contemporaine qui épingle le monde de l’entreprise : la hiérarchie, avec Itsuka, la cheffe de service, l’atelier, les syndicats, les actionnaires…. Il est aussi question pêle-mêle de Nescafé, de foot et de rugby, d’Alain Souchon, d’échangisme, de famille, de vie et de mort. Mais je ne voudrais pas réduire ce roman à une vaste blague. Il y a de la profondeur chez Jacky Schwartzmann et un réel talent d’écriture. Sous les gros mots, le machisme, le cynisme, il laisse parfois filtrer une très belle sensibilité. (p.23) : « Je ne peux pas trop le décrire, il avait l’œil à moitié pétillant et à moitié anesthésié, il avait le regard mou et un voile humide par-dessus. Un punk et un zombie, voilà, je dis pas mieux. Un mutant, un monstre de lui. ». Gaby Aspinall n’est pas meilleur ni pire que tout un chacun. C’est un homme pris dans le monde actuel, qui se débat pour tracer sa route. Sans trop savoir où il veut aller. Je ne dévoilerai pas la fin, ça ne se fait pas en général et encore moins dans ce cas particulier. Jacky Schwartzmann ménage ses effets, ne recule devant aucun sacrifice, ne s’embarrasse pas avec la morale ou les conventions. Un peu comme Gaby. Que c’est bon la littérature, quand elle vous emmène aux frontières infranchissables de la bienséance, et qu’une fois arrivés, elle vous pousse un tout petit peu, pour que vous mettiez un pied dehors.




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