mardi 8 décembre 2015

Nous serons des héros de Brigitte Giraud

Couverture : Manon Baba
Un très beau livre sur le déracinement, la recherche de l’identité, l’adolescence. Une adolescence particulière : celle d’Olivio. Un jeune garçon parti du Portugal à l’âge de 7 ans avec sa mère, pour fuir la dictature de Salazar. Son père est mort dans les geôles fascistes, après avoir été torturé. On suit l’exil d’Olivio jusqu’en France. Il découvre une autre langue, une autre culture. Le souci d’intégration de la mère d’Olivio : vite apprendre à parler français, surtout ne pas se faire remarquer. On est ainsi témoin de l’installation de la famille à Lyon, mais à travers les yeux d’enfant d’Olivio. Un enfant à qui on n’explique pas tout et qui doit se dépêtrer de sa nouvelle vie un peu comme il peut. Il va se lier d’amitié avec Ahmed, un jeune immigré de son âge, arrivé d’Algérie. Les deux garçons vont s’aider à grandir. Ce livre est doux et tranquille comme un ruisseau qui suit son cours, inexorablement, sans retour, malgré les tourments. L’écriture de Brigitte Giraud est toute en nuance. Elle procède par touches. L’essentiel est tu. Elle dresse un portrait en creux. Olivio se cherche, sa relation avec Ahmed est ambiguë. Un mélange de fascination, d’attirance et de violence. Cette colère rentrée de ne pas tout comprendre, de se heurter aux non-dits et aux tabous. Cette culpabilité aussi d’avoir cru son père marin au long court, alors qu’il était déjà mort. Cette envie de se rappeler ses racines portugaises. Nous serons des héros rend hommage à toutes ses familles déracinées qui ont contribué à la construction de la France. Il n’y a pas de jugement chez Brigitte Giraud, pas de discours politique, ni de revendication. Il y a juste des portraits de femmes, d’enfants et d’hommes qui ont dû fuir une tragédie et qui ont essayé du mieux qu’ils pouvaient de se construire une vie meilleure à l’abri de nos frontières. Pas la peine d’insister sur la portée actuelle de ce livre. Il a le mérite de donner un visage, un prénom, une histoire et une vie à ceux que l’on appelle les migrants. Oubliant parfois qu’ils sont des êtres humains avant tout.

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