Narelle Autio / Agence Vu |
Un roman construit comme une course poursuite. Le style est tout d'abord déroutant : une écriture à bout de souffle. La première phrase fait une page ! J'ai eu du mal à trouver mon rythme de lecture. J'avais l'impression d'être à contretemps. Mais c'est finalement la seule écriture qui s'imposait. Elle traduit cette course contre-la-montre qui s'engage pour sauver des vies, pour changer notre connaissance de la mort. La médecine, les progrès techniques, ont changé notre définition de la mort. Ce n'est plus un coeur qui s'arrête, mais un cerveau qui cesse de fonctionner. Réparer les Vivants ou quand la technique, la dextérité et peut-être aussi un peu la folie des hommes, permettent de rendre la vie à ce qui était voué à mourir. Maylis de Kerangal décrit les corps, les intérieurs, de manière crue, technique, médicale; mais aussi avec une infinie poésie. Elle pénètre les âmes, elle fouille les tripes, elle écarte les plaies; mais avec une infinie douceur. Les personnages sont touchants : la mère de Simon dans sa douleur, les médecins dans leur rigueur technique... Mais surtout Thomas Rémige, le coordinateur. C'est lui qui a le rôle douloureux de faire le lien, d'annoncer la mort et de demander le consentement de la famille. Il doit être humain, psychologue, mais il est aussi pressé par le temps. Maylis de Kerangal nous parle du cycle de la vie, de la pire douleur qu'une mère puisse connaitre. Elle le fait sans pathos. C'est un livre humain, bienveillant et réaliste. Un livre aussi très littéraire. Un exercice de style : l'écriture se cale sur le rythme chaotique du coeur : des phrases longues qui succèdent à des sentences courtes, heurtées. On y perd son souffle et l'âme s'élève au-delà des corps, où la mort et la vie se rejoignent. Où la peur, la douleur et l'espoir se mélangent.
Je me suis surprise à caresser les pages de ce livre, comme pour mieux "faire corps" avec cette histoire. C'est un livre magnifique, très fort, pas du tout "plombant", mais qui vous reste longtemps en tête après l'avoir fini.
Bravo, je ne pensais pas que j'aurai envie de lire ce livre...
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