lundi 18 juillet 2016

La cache de Christophe Boltanski.

Ce roman est une chronique familiale construite comme une enquête quasi-policière. Avec ses suppositions, ses incertitudes et ses zones grises. Les Boltanski sont originaires d’Europe de l’Ouest. L’arrière-grand-mère de l’auteur a subi les pogroms. Elle est venue en France avec son mari, pleine d’espoir, certaine d’avoir trouvé un pays accueillant. « La lettre s’achevait par une ode à la France. Ensemble, ils allaient entamer une vie nouvelle sur une terre généreuse, accueillante, où tous les citoyens, quelles que soient leurs origines ou leurs croyances, étaient libres et égaux ». Christophe Boltanski appartient à une famille de peu de racines, une histoire faite d’exil, de traque et de peur. Une peur viscérale, génétique – inscrites dans les gènes des descendants. « Nous avions peur. De tout, de rien, des autres, de nous-mêmes (…) Du blanc qui présuppose le noir. Des honnêtes gens qui, selon les circonstances, peuvent se muer en criminels. Des Français qui se définissent comme bons, par opposition à ceux qu’ils jugent mauvais. Des voisins indiscrets. De la réversibilité des hommes et de la vie. Du pire, car il est toujours sûr ». Dans la famille Boltanski, même les noms sont incertains : « Cette famille n’est qu’une longue suite de pseudonymes, de sobriquets, d’alias achetés ou imaginaires. Des noms plus tout à fait propres à force d’en cacher d’autres qui posent tous la même question : qui sommes-nous ? ». Christophe Boltanski a construit son roman autour de l’appartement familial, chaque partie est basée sur une pièce, jusqu’à la cache qui abrita le grand-père durant l’Occupation. Cette cache a protégé l’aïeul, mais elle a emprisonné la famille toute entière. Descendants compris. La force de ce roman est de ne pas rester dans une histoire personnelle mais de toucher à quelque chose d’universel. Une histoire singulière qui rejoint l’histoire de dizaines, de centaines d’autres et qui au final, constitue l’histoire de tous et de chacun. Que l’on soit juif ou non. La Cache de Christophe Boltanski interroge notre ouverture à l’Autre, au Différent. La France a construit son histoire sur son ouverture au monde, une terre de liberté, de droit, d’accueil. Mais elle fut aussi le pays qui livra les juifs à l’occupant. Elle est aujourd’hui le pays qui hésite à accueillir les réfugiés. J’ai fini de lire ce livre deux jours avant l’attentat de Nice. Aujourd’hui, je suis triste, accablée. J’ai peur pour moi, pour nous tous, pour nos enfants. Mais je refuse de céder à la violence. Je veux encore croire que la République n’est pas à terre. Je veux croire que notre mode de vie est encore possible. Le grand-père Boltanski a été profondément marqué par la haine dont il a fait l’objet : « Il voyait en chacun de ses semblables un assassin en puissance. Deux conflits mondiaux l’en avaient convaincu : n’importe qui peut tuer, du jour au lendemain, si les circonstances le lui permettent, et plus encore, si elles l’encouragent à commettre un tel acte ». J’en suis convaincue moi aussi. Il me faut trouver les ressources pour combattre cela, en moi. En espérant que le plus grand nombre le fera aussi. Alors, peut-être, nous aurons une chance.


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